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Photo du rédacteurPauline Dreux-Palassy

THE festoche, on prend les mêmes et on recommence...


Je viens de passer un bien étrange week-end. Un week-end avec deux copines que j’aime beaucoup +++. Ça promettait de bons moments et, entre nous et quelques autres, il y en a eu heureusement !.

Mais, depuis quelques temps je suis énervée. C’est diffus, je ne savais pas trop pourquoi… Je suis donc partie pour le festival de la décroissance à Saint Maixent avec une colère latente que je ne m'expliquais pas vraiment. Après 2 jours de festival (je n’ai pas consommé la totalité des 3 jours offerts), ma colère est grande, limite ingérable. Elle ne peut s’apaiser qu’en essayant de comprendre ce qui m’énerve autant. Cette colère, comme toutes les colères me parle de ce que je trouve injuste. De ce qui n’est pas aligné avec mes valeurs, mes précieux (les choses, valeurs, connaissances…. qui sont non négociables dans ma vie).


Qu’est-ce qui m’a tellement mise en colère ?

J’ai vu les loups de l’effondrement et du collaps ! Ceux (et oui c’est un pronom au masculin…mais certaines femmes s’inscrivent aussi dans ce mouvement mais moins - causalité ou corrélation ?) qui, face à cette montagne de mauvaises nouvelles, sentent que les niches de privilégiés qu’ils occupent aujourd’hui ne vont pas perdurer longtemps. Alors ils bougent. Au départ, il se placent souvent en lanceurs d’alerte. Puis, comme cette place n’est pas trop génératrice de richesse dans le monde qu’ils dénoncent, ils développent, d’une manière ou d’une autre, une offre de service pour accompagner les acteurs du système actuel vers un monde qui aura su traverser tous les dangers. Ces nouveaux héros utilisent les connaissances produites par les scientifiques sur l’état du monde pour se positionner en sauveur du monde et consultants, en résilience, la plupart du temps. Autrement dit, ils tentent de conserver leurs privilèges dans cet avenir sombre en utilisant les mêmes méthodes que celles qui produisent la merde dans laquelle nous nous trouvons. En particulier les schémas et mécanismes de domination qui structurent et hiérarchisent nos organisations sociales. Alors, non seulement on ne cherche pas à tendre vers plus d’équité face au déclin matériel que vont subir nos sociétés, mais en plus, on prolonge le mythe que quelques uns qui vont mener les troupes vers un monde meilleur. Récit hollywoodien s’il en est. Vous la voyez la boucle de rétroaction positive des récits ? Or toujours plus de la même chose produit toujours les mêmes résultats. La résilience devient une méthode de performance pour un avenir radieux ! Et un avenir radieux, c’est pas vraiment ce qui nous attend… Tout ça résonne (raisonne ?) fortement avec le concept de collapswashing développé par Vincent Mignerot.

Non seulement ce type de positionnement me semble délétère mais en plus, j’ai pu avoir quelques échanges avec certains de ces loups, et constater qu’il y a des trous dans leurs raquettes en termes de connaissance systémique des enjeux. Certaines données sans lesquelles on ne peut que faire des diagnostics de départ erronés. Comme par exemple ne pas savoir comment les richesses sont distribuées en France (et du coup ne pas être en mesure de se situer soi-même), ne pas connaître le fonctionnement de l’agriculture et ses enjeux actuels en France…. Mais comment oser se positionner en expert de la résilience sans avoir même l’expertise du présent ? Et, qu'avez-vous expérimenter pour savoir ce qui, dans l’avenir, nous permettra d’être résilient ? Peut-on seulement le savoir … ??? Comment se positionner en consultant/expert en résilience dans un monde qui s’appauvrira en tout, sans avoir lâcher vos richesses, vos privilèges et pratiquer d’autres modes de vie ? Comment garantir une équité entre toustes en se positionnant en “sachant mieux que les autres” donc, sans expérimenter de nouvelles façon d'interagir avec les autres ? Des façons plus équitables où la distribution de tous les types de pouvoir serait revue à plus d’horizontalité ? Où est l’humilité ? Avez-vous si peur, que cela vous empêche de rentrer dans le dur de la confrontation avec la réalité, la matière, le présent ? On veut toustes sauver notre peau mais tout de même ...


Oui, oui, je suis énervée mais pas contre tout le monde

Et je ne suis pas vraiment énervée contre des individus en particuliers mais plutôt contre des réflexes individuels induits par notre environnement psychosocial. D’ailleurs, la trajectoire que j’ai décrite n’est pas systématique chez tous les lanceurs d’alerte autour du déclin matériel ou des effondrement(s) à venir. J’ai pu observer certain.e.s qui ont communiqué et communiquent toujours sur ces fameuses mauvaises nouvelles d’un avenir difficile et chaotique, qui essayent de vraiment creuser les sujets en allant au-delà des apparences. Qui interrogent la sociologie, la philosophie, l’histoire, l’anthropologie… tout autant que la thermodynamique et la physique des systèmes complexes, et découvrent, et partagent, la plus large variété de lectures du monde possible. Qui nous laisse nous faire notre propre opinion. Qui ne cherchent pas à monnayer cette activité et, qui, de leur côté, décroissent ou essayent. Qui dit décroître, dit aussi être moins omnipotent, moins sur le devant de la scène, et travailler moins pour de l’argent. Ça suppose de revoir les fondements de la stabilité de nos vies quotidiennes, baisser ses revenus. Nous allons vivre des choses totalement inédites. Comment ne pas avoir l’humilité de penser que personne ne peut être expert ou consultant “en avenir meilleur” ?


Nous l'espérons mais nous ne savons pas si l'avenir peut être meilleur...malgré tout

Pour ma part, je crois (oui, c’est une croyance, je n’ai pas de données scientifiques à l’appui car la science n’écrit pas l’avenir ou si peu) que c’est en nous serrant les coudes que nous essayerons mieux de nous adapter à nos nouvelles conditions de vie et aux incertitudes qu'elles créeront. Parce que nous pourrons développer du soutien réciproque et de la coopération pour essayer de limiter les dégâts. Aujourd’hui, je ne vois pas d’autres leviers pour avancer dans l'incertitude que : - d’essayer soi-même des expérimentations de changements qui nous semblent aidantes pour l’avenir même si elles sont incertaines, inconfortables et difficiles

- de regarder en face la difficulté de nos propres changements

- d’effectuer en soi les changements profonds que ces expérimentations nécessitent et d’accepter le temps que ça prend (il est urgent de ralentir)

- d’accompagner les changements profonds que nous avons collectivement à faire pour déconstruire le système psychosocial dans lequel nous avons été éduqués et qui résiste à évoluer même à l’intérieur de nous

- de développer suffisamment d'humilité pour réussir à, très régulièrement, s'arrêter et prendre du recul sur les effets de nos actions, nos changements et, cultiver notre lucidité

- de ne pas chercher à sauver le monde tout en essayant d’être inclusif et de penser aux autres et à leurs enjeux même s’ils sont différents des nôtres

- donc d’essayer de juger le moins possible les autres, leurs croyances, leurs réflexes … pour faire avec eux.elles

- tisser des liens entre tous ceux qui œuvrent d’une manière ou d’une autre pour amortir les chocs que nous anticipons et se connaître pour mieux interagir quand nous devrons nous adapter concrètement

- prendre soin de soi pour ne pas dévisser


Cela me paraît ambitieux et ce n'est pas un mode d'emploi mais plutôt un cadre d'expérimentation. Parce que je ne veux pas arriver à soutenir la question que j’ai vu émerger ça et là : “Doit-on sauver tout le monde ?”. Je m’y refuse ! Je sais que je ne suis pas toute puissante mais je sais que je n’ai pas envie non plus, d’écraser celleux qui me dérangent. C’est une pure posture de domination.


Je choisis le camp des bisounours lucides qui feront ce qu’ils peuvent mais avec le maximum de conscience.


En ce qui concerne le festival en lui même. Bin en terme d’orga, ça ressemblait aux festivals qu’on organisait dans les milieux undergrounds et altermondialistes des années 1990 avec trois bouts de ficelles, notre créativité et la sueur de nos fronts, mais avec un gros budget en comparaison (décroissant ?). Question format, beaucoup de formats descendants qui ne permettent pas aux gens de prendre leurs places d’élément actif du système, donc on se positionne en mode “consommateur” (décroissant ?). Question intervenants, il y avait à boire et à manger. Des gens très intéressants bien sur. Je n’ai pas pu tout voir. Mais j’ai entendu une jeune intervenante expliquer que, pour ralentir (décroitre), ce qu’il faut c’est s’aligner avec soi-même grâce au développement personnel (qui ressemblait plus à du New Age avec ses pensées magiques). A aucun moment cette jeune femme, qui a fait de grandes études en école de commerce, créé un podcast et publié un livre, n’avait conscience que dans certaines tranches de la population (la majorité), l’accès à ce genre de choix n’existe pas. C’est juste un exemple mais c’est, de ce que j’ai vu, l’illustration de la dissonance cognitive que portait ce festival (décroissant ?).


Bref, j'ai fait une virée entre copines au Festival de la décroissance, j'ai croisé avec un grand bonheur des copains et des copines. Et le reste m'a énervée. Pour finir le week-end, j'étais invité à l'anniversaire d'une paysanne engagée qui avait invité 50 femmes pour ses 50 ans. C'était magnifique de simplicité, d'humilité, de chaleur humaine, de chants, d'affection et de partages. De l'écoféminisme instinctif. Joie <3

Mandala éphémère co-créé par les invitées avec un petit quelque chose apporté de chez chacune d'entre elles

Pour une critique plus politique du festival c’est par ici : De retour de « Décroissance, le festival »


Pour une plus grande lucidité sur l’état dans lequel l’état de notre monde nous place et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en terme de dissonance cognitive :


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